Entrée en matière

 

Vous ne pouvez pas comprendre la nature du Qi (chi) juste en lisant des livres ou en pensant seulement avec votre tête (la connaissance intellectuelle).

Parce que la réflexion est une activité qui s’effectue par le biais d’une langue (vocable).

Identifier, mettre un mot à ce qui est, préciser, c’est limiter.

La langue ne nous permet de comprendre qu’une petite partie de ce que nous ressentons.

Exemple 1 :

Comment expliquer la couleur à un non-voyant de naissance ?

Pouvez-vous lui expliquer le mot “rouge” ?

Impossible.

Exemple 2 :

Supposons que nous ayons une casserole d’eau bouillante.

Pouvez-vous appréhender la chaleur de l’eau juste en y pensant ?

Encore une fois, impossible.

Même si vous avez une idée à quel point l’eau est chaude, ce n’est qu’un imaginaire exempt d’une sensation cognitive réelle.

Plus les gens ont l’habitude de penser avec leur tête, plus ils sont susceptibles de faire des suppositions.

Si vous voulez prendre la température de l’eau, il vous suffit juste de mettre la main dedans.

Une fois que vous avez fait cela, plus besoin de réfléchir.

Dès que vous touchez l’eau, vous sentez la chaleur.

Votre perception empirique est immédiate et absolue.

Cependant, si vous deviez expliquer cette chaleur à quelqu’un d’autre.

Comment pouvez-vous expliquer cette chaleur à quelqu’un qui n’a jamais touché de l’eau bouillante auparavant ?

Vous allez beau utiliser divers exemples pour tenter de lui faire comprendre ce que vous ressentez, mais au bout du compte, vous parviendrez à l’idée qu’il est impossible de transmettre exactement ce que vous ressentez à autrui.

Ces deux exemples montrent que la langue n’est pas capable d’exprimer exactement ce que vous ressentez ou ce qui est.

Aussi longtemps que vous vous en tenez au langage (connaissance intellectuelle), la portée de votre perception reste limitée.

Un apprentissage livresque ne peut donner que des renseignements de seconde main.

Lorsque vous augmentez votre capacité à ressentir au-delà du langage, le monde que vous ne pouviez pas appréhender par le vocable est compris comme une expérience.

Ainsi, la connaissance empirique est perçue comme une certitude absolue.

Toute manifestation dans le domaine indéfinissable et insusceptible à l’identification comme le « Qi » ne peut être appréhendée par le langage.

Lorsque cet indéfinissable est reconnu comme une expérience distincte de la langue,

lorsque le véritable moi est clairement reconnu,

nous sommes dans l’état d’éveil ou d’illumination.

D’où la raison pour laquelle l’enseignement du zen met l’accent sur l’importance de « ne pas penser » afin de comprendre le « néant ».

Il vous demande en fait de vous éloigner du langage pour tout ressentir par l’expérience.

Après tout, le « Qi » n’est perceptible que par l’expérience.

Mais pas n’importe comment !

Essayer de l’expérimenter ou de le ressentir aveuglément n’amène à rien, d’autant plus que nous sommes constamment immergés dans le langage de la connaissance intellectuelle.

Par conséquent, la première étape de l’apprentissage consiste paradoxalement à appréhender le « Qi » avec le langage (ou la connaissance intellectuelle si vous voulez) en tant que facilitateur d’orientation.

Afin de comprendre la réalité du « Qi » :

– Essayer d’identifier la nature du « Qi » intellectuellement dans une large mesure jusqu’à ce qu’il ait un sens pour vous.

– Passer par le monde visible pour appréhender le monde invisible.

– Puis, de manière consciente et inconsciente, par la pratique en acquérant diverses expériences.

Si vous vous dirigez dans la mauvaise direction, vous ne serez jamais en mesure de comprendre la nature du « Qi ».

Par mauvaise direction, j’entends appréhender la complexité du réel uniquement par les phénomènes tangibles, par le vocable.

Maintenant, laissez-moi vous orienter dans la direction qui a du sens pour moi.

Dans le monde de Qi Gong taoïste, la manifestation du « Qi » peut être appréhendée par trois perspectives, à savoir :

– « Jing () » : essence d’énergie qui assure nos activités.

– « Qi () » : la substance ultime, la base de la matière (à considérer séparément du « Qi », la source de toutes choses).

– « Shen () » : la quintessence de l’esprit, domaine de toute activité de la conscience (de la conscience à la supraconscience).

Appelé les « trois trésors taoïstes », un terme générique, mais très hermétique, ils sont souvent traduits par « essence, vitalité et esprit ».

Tellement hermétique que l’on a tendance à aborder ce sujet  en général avec une théorie fumeuse spirituelle de tous genres.

Tant que nous considérons le « Qi » uniquement comme une énergie ou un état d’esprit du genre, « La maladie commence par la pensée », nous ne pouvons pas comprendre sa véritable nature.

Alors, ce « Qi », comment fonctionne-t-il dans l’univers dans lequel nous existons ?

La première chose que vous devez savoir, c’est que l’univers dans lequel nous existons n’est pas du tout né du néant (comme vous n’êtes pas né de la dernière pluie, je n’insisterai pas là-dessus).

Rien ne peut naître de rien du tout, tant sur le plan matière que conscience.

Nonobstant, il est important de le préciser pour aller plus loin.

Car, l’univers n’existe pas sans signification et sans intention.

S’il existait sans signification ni intention, il ne serait pas capable de produire des étoiles et de les maintenir en mouvement régulier.

L’univers existe avec un ensemble de lois, et ces lois sont basées sur la conscience de l’univers.

Nous tentons donc de réfléchir plus profondément à propos de ces lois.

Par exemple, une molécule est constituée de certains atomes associés selon une loi. Si celle-ci n’a pas de pouvoir ni d’objectif qui relie les atomes les uns aux autres, elle ne peut pas fonctionner comme une loi.

Or, lorsqu’un phénomène se produit, il est toujours accompagné d’une intention.

Et la présence d’une intention signifie qu’il y a une conscience qui la présuppose.

Cette conscience, bien sûr, n’est pas une conscience humaine. C’est la conscience qui est la source de tous les phénomènes.

Pour la distinguer de la conscience humaine, nous l’appellerons « Yi () – intention ».

Le phénomène est indissociable à l’intention

Il nous est impossible de mener à bien nos activités conscientes sans le « yi »  la source de la conscience originelle, qui est la source même de l’univers qui nous a donné naissance.

S’il n’y a pas de source de conscience dans l’univers, et que nous, les humains, sommes conscients comme nous le sommes, ce serait contre la loi.

Ainsi, l’espace qui apparaît à nos yeux comme un simple vide est en fait une existence qui a l’intention de créer quelque chose ou de générer quelques mouvements de manière régulière.

On peut dire que toutes les lois sont l’intention de l’univers.

Donc, l’espace n’est pas rien du tout.

Ce n’est pas un lieu vide, mais un amas de substances.

Ces substances ne se contentent pas d’exister dans l’espace où elles se trouvent, mais sont toujours actives et émettent vers l’extérieur l’énergie générée par leurs activités.

Pour vous aider à comprendre, prenons l’exemple de l’air qui nous entoure.

 Tout le monde sait que l’espace dans l’air, qui ne semble rien à l’œil nu, est en fait constitué de diverses substances atomiques et moléculaires.

Les éléments tels que l’oxygène, le dioxyde de carbone, l’azote, l’argon existent non pas dans une disposition chaotique, mais cohérente.

Cela veut dire qu’ils existent de manière régulière avec une certaine intention. En outre, ces composants sont toujours actifs et rien n’est figé.

En fait, l’air est rempli de l’énergie libérée par l’activité de ces particules.

L’espace extra-atmosphérique répond bien évidemment aux mêmes lois.

La vérité est cachée dans l’obscurité de l’inconscient.

Lorsque les choses sont devenues familières, on n’y fait plus attention. Tellement familières que l’on s’étonne en les redécouvrant.

Même les plus nuls en physique-chimie comme moi arrivent à en déduire que l’univers est constitué d’espaces remplis d’énergies générées par l’activité de microparticules de matière, qui ont une conscience depuis le tout début.

Ce qui signifie que ce qui semblait être un espace vide est une « conscience », « matière » et « énergie ».

Et voici le « Qi ».

– Conscience = « Shen », conscience et intention originelles

– Matière = « Qi », matières fondamentales constituant les particules (atomique et moléculaire)

– Energie = « jing », la force motrice de toutes nos activités

On peut appeler cela la trinité cosmique.

De même que notre monde tridimensionnel, défini par la hauteur, la largeur et la profondeur de l’espace et qu’aucun élément ne peut être écarté ou absent, le « Qi » constitué d’énergie, matière et conscience doit être traité dans son ensemble.

Si nous pouvons comprendre clairement que nous, comme l’univers, sommes fondamentalement constitués de « Qi », alors nous pouvons aussi appréhender les phénomènes qui se produisent grâce au « Qi », et répondre à des questions comme « Pourquoi le Qi peut-il guérir les maladies ? »

Il n’y a rien de mystérieux là-dedans.

Ce qui paraît étrange et mystérieux à nos yeux n’est rien d’autre que ce que nous ignorons.

Si vous mettez tout sur le compte du « mystérieux », vous ne comprendrez pas vraiment ce que vous devriez être en mesure de comprendre.

Afin d’éviter une telle situation, il est utile de faire appel à notre génie intellectuel, mais uniquement et seulement pour maintenir le cap dans la bonne direction.

Avant tout pour tout, c’est la pratique qui prime.

Nous savons que l’énergie existe. Mais, nous ne pouvons la définir vraiment.

Tout comme votre « moi véritable », sa nature est ineffable.

Seriez-vous capable de définir la nature du « jing » (essence originelle peu-importe innée ou acquise), du « shen » (la quintessence de l’esprit), sans vous abriter derrière les paroles toutes faites de bon apôtre taoïste ?

Très difficile, non ?

C’est là où nous voyons que notre vocable ou connaissance intellectuelle est limité.

Pourtant, lorsque vous vous sentez vraiment bien, mentalement comme physiquement, vous êtes indéniablement bien.

Un point c’est tout !

Seulement cet état est difficilement descriptible et quasi ineffable quant au pourquoi du comment.

Or, dans la philosophie taoïste, nous parlons de la trinité : 3 trésors du ciel, de la terre et de l’homme.

Dans notre pratique des arts martiaux internes et du Qi Gong, nous essayons d’identifier dans chaque comparaison, l’élément intermédiaire.

L’intermédiaire a pour vocation de se rendre utile au service des autres.

Et si on définissait la matière de la trinité « énergie, matière et conscience » comme l’intermédiaire pour rendre utile à la compréhension (plus tard) des deux autres.

Lorsque l’énergie se transforme en matière, il y a des phénomènes physiques apparaissent, principalement sous trois formes suivantes :

— Thermique, électrique et magnétique.

Rappelez-vous, lorsque vous pratiquez du Qi Gong, vous pouvez sentir la chaleur (thermique), picotement (électrique) ou attraction/répulsion  (magnétique).

Même au quotidien, à côté de votre conjoint(e) irrité(e) (désignez qui vous voulez), vous pouvez sentir : la colère (thermique), hystérie (électrique) ou répulsion/rejet (magnétique).

Donc, thermique, électrique et magnétique.

C’est le côté « phénomène » que vous constatez lors d’une séance de Qi Gong.

Il est intéressant de réfléchir également à la matière qui existe sous trois états physiques : « solides, liquides et gazeux ».

Leurs densité, sensation et perception varient en fonction de l’état.

Par la pratique de façon simple, en faisant le recoupent avec notre état d’être, nous pouvons constater certaines corrélations communes.

Le bonheur soulève et le malheur plombe. Dans chaque état, la fréquence vibratoire est unique et différente. Lorsque l’on y est, pas la peine de l’expliquer, on le sait.

Dans notre travail, nous tâchons de nous observer avec un regard détaché, en limitant ainsi nos activités intellectuelles, pour donner à nos sujets d’observations (nos pensées, nos émotions et notre corps), une attention directe en revenant aux sensations dans l’instant présent.

Comment l’énergie se manifeste-elle dans notre corps ?

Représentez-vous les poteaux de barrière de corde de file d’attente.

Une simple barricade en nylon peut séparer, cloisonner l’espace.

Autrement dit, une simple corde peut faire apparaître un espace cloisonné.

Et cet espace cloisonné va créer un flux d’énergie.

Sans cela, l’énergie n’a pas de moyen de s’exprimer.

L’énergie est partout dans l’Univers, mais elle a besoin de l’espace pour s’exprimer.

L’énergie Yang, l’espace Yin.

Notre corps est cet espace Yin.

Sans le corps, l’énergie n’a pas lieu de s’exprimer.

On cherche toujours la divinité dans la spiritualité, mais la vraie divinité, n’est-elle pas notre corps ?

Qu’il s’agisse d’une matière organique ou inorganique, la divinité est l’espace qui octroie à l’énergie un lieu d’exprimer sa nature.

Cet espace cloisonné et séparé fait partie d’un vaste espace dont on ne connaît pas la fin.

Le paradis et l’enfer ne sont-ils pas rien d’autre que deux espaces séparés qui se trouvent bel et bien dans notre monde et non ailleurs ?

En observant l’interstice de pensées, les sensations derrière vos pensées, vous pouvez amorcer une prise de conscience que vous êtes la liberté de l’espace lui-même.

Une fois que la cloison devient floue, vous vous rendrez compte qu’il y a de l’énergie potentielle énorme qui n’attend qu’être déclenchée.

Selon Tao Te King :

Le Tao donne naissance à l’Un.

L’Un donne naissance au Deux.

Le Deux donne naissance au Trois.

Le Trois donne naissance à toutes choses.

Une vision d’autant plus difficile à envisager dans notre société de dualité, absente en harmonie où le Deux ne donne plus naissance au Trois…

Alors, que faire ?

Je vous propose ainsi, à travers ce programme, de remettre en question votre mode de pensée analytique et segmentaire pour un nouveau mode de pensée taoïste dialectique et holistique.

Chaque article sera présenté comme un déclencheur d’ouverture vers le monde inconnu, vers l’espace de liberté que nous sommes.

A bon entendeur, bienvenu.